Résultats et recommandations du XIXe sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF)

Résultats et recommandations du XIXe sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF)

21 / 10/ 2024

Par Ibrahima KEITA

Chercheur au Centre Africain des Recherches et Études Stratégiques (ACRESS)

Pour la première fois depuis 33 ans, la France a accueilli le 19ᵉ Sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) les vendredi 4 et samedi 5 octobre 2024, réunissant plusieurs chefs d’État et une centaine de délégations à Villers-Cotterêts (Il s'agit d'un lieu conçu exclusivement pour promouvoir la langue française et les cultures francophones, inauguré par le président de la République française, Emmanuel Macron, le 30 octobre dernier.)

Cette année, le sommet s'est déroulé sous le thème : « Créer, innover et entreprendre en français ».

Les travaux du sommet se sont poursuivis lors de la deuxième journée dans la capitale française, Paris.

Aperçu de la Francophonie :

Le terme "francophonie" désigne les hommes et les femmes qui partagent la connaissance et l’usage de la langue française.

Avec ses 321 millions de locuteurs, le français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde, langue officielle de 32 États et gouvernements, dont 61.8 % résident en Afrique, notamment en Afrique du nord et en Afrique de l’Ouest, elle est aussi la 4e langue la plus utilisée sur internet.

Environ 132 millions de personnes apprennent le français ou étudient dans cette langue. Compte tenu de la croissance démographique rapide des pays francophones, notamment en Afrique, il est prévu que le nombre de locuteurs de la langue française atteigne 715 millions d'ici 2050.

L'Organisation Internationale de la Francophonie a été créée en 1970 à Niamey (capitale du Niger) à l'initiative de ses pères fondateurs, tels que : Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, Hamani Diori et Norodom Sihanouk. Cela s'est fait parallèlement à la création de l'Agence de coopération culturelle et technique, qui est devenue par la suite l'Agence intergouvernementale de la Francophonie en 1998, puis s'est officiellement transformée en 'Organisation Internationale de la Francophonie' (OIF) en 2005.

La Francophonie constitue un système institutionnel qui organise les relations entre les pays unis par l'utilisation de la langue française. Un sommet des États membres est organisé tous les deux ans par l'Organisation Internationale de la Francophonie, qui compte 88 États membres. Le sommet est présidé par le chef d'État ou de gouvernement du pays hôte jusqu'à la tenue du sommet suivant.

L 'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a pour missions de : "promouvoir la langue française", "la paix, la démocratie et les droits de l'Homme", "appuyer l'éducation" et "développer la coopération économique" entre les Etats membres. 

En plus de ces missions, la Francophonie représente aujourd'hui un cadre de coopération sur des enjeux mondiaux tels que : le numérique, l'égalité des sexes et les questions économiques.

Le travail de l'Organisation Internationale de la Francophonie est également complété par celui de nombreuses agences exécutives et d'autres acteurs.

 Première journée à Villers-Cotterêts

La cérémonie d’ouverture a été marquée par les discours du Président français, Emmanuel Macron, du chef du gouvernement tunisien, Kamel Madouri, et de la Secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo.

Lors de son discours d’ouverture, Emmanuel Macron a vanté les mérites de cet espace linguistique. Il se veut le chantre d'une Francophonie jouant un rôle de trait d'union sur la scène diplomatique.

Notons que le président français s'est posé en défenseur de la langue française. «Je crois profondément que la Francophonie, oui, est un lieu où nous pouvons ensemble porter une diplomatie qui défend la souveraineté, l'intégrité territoriale, partout à travers la planète.» a-t-il dit.

«L’agenda que porte la Francophonie est un agenda de paix et de développement durable.» - Emmanuel Macron.

«Pas de place pour les doubles standards» - Emmanuel Macron.

«Elle est un lieu où nous pouvons ensemble porter une diplomatie qui défend la souveraineté et l’intégrité territoriale partout à travers la planète» -Emmanuel Macron.

Mais aussi une diplomatie «qui défend une vision où il n’y a pas de place pour les doubles standards, où toutes les vies se valent pour tous les conflits à travers le monde», a-t-il poursuivi.

"Notre ambition est que ce Sommet donne un nouvel élan aux valeurs de solidarité, de paix de la Francophonie pour nos populations". - Kamel Madouri

« Cependant, nous rejetons toute immixtion dans les affaires internes des pays, le principe de respect mutuel et de la souveraineté des États est sacro-saint à nos yeux » - Kamel Madouri

« Le cap est posé pour une Francophonie de proximité et de terrain, influente sur la scène internationale au service de ses populations. Unissons nos efforts pour un multilatéralisme rénové à la hauteur des défis de notre monde. » Louise Mushikiwabo.

La secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, a appelé pour sa part au retour dans « la famille francophone » du Mali, du Niger et du Burkina Faso, suspendus depuis l’arrivée de juntes militaires au pouvoir dans ces trois pays.

Deuxième journée au grand palais

Au Grand Palais pour la deuxième journée, les participants ont échangé en tables-rondes sur le thème «Créer, innover et entreprendre en français pour l’emploi des jeunes».

S’en est suivi un échange à huis-clos entre les membres de l’OIF sur la situation internationale, puis une plénière de clôture avec l’adoption de la Déclaration du Sommet et l’annonce du pays hôte du prochain Sommet, à savoir le Cambodge.

 Il faut dire que trois enjeux majeurs ont marqué ce sommet :

- La jeunesse francophone et l’emploi

- Les nouvelles adhésions et changement de statut

- Le multilatéralisme et la gestion des crises.

 Un aperçu de ces thèmes :

1- La jeunesse francophone et l'emploi : Le thème du sommet, "Créer, innover et entreprendre en français", a placé la question de l'emploi des jeunes au centre des discussions, avec la volonté de créer des solutions concrètes tant au sein de l'OIF que dans les États membres pour offrir à la jeunesse des opportunités d'insertion professionnelle en langue française.

2- Nouvelles adhésions et changement de statut : Plusieurs États et gouvernements ont soumis des demandes d'adhésion ou de modification de leur statut à l'occasion de ce Sommet dont l'Angola.

3- Multilatéralisme et gestion des crises : le sommet a été l'occasion de réfléchir à la plus-value de l’OIF dans la gestion des crises qui touchent l’espace francophone.

Ces décisions témoignent du rôle crucial de l'OIF dans la construction d'une Francophonie solidaire, innovante et engagée.

En ce qui concerne la déclaration finale, elle était comme suit :

- Déclaration du Sommet

- Déclaration de solidarité avec le Liban

- Résolution sur les crises

 

A- Déclaration du Sommet :

Les participants ont décidé de consacrer ce 19e sommet au thème : « Créer, innover et entreprendre en français ».

- LOIF encourage les initiatives en faveur de l’entreprenariat francophone, en particulier dans les secteurs liés au changement climatique et au tourisme durable, et appelle au renforcement des relations entre les entreprises et les institutions universitaires et de formations professionnelles et techniques.

- LOIF encourage également des démarches francophones pour faciliter l’accès des États et gouvernements membres ainsi que des autorités locales à la finance pour le Climat et la Biodiversité, en soutien à l’innovation et à l’entrepreneuriat;

- LOIF attache une importance toute particulière aux actions en vue de l’autonomisation des femmes et enjoigne tous les États et gouvernements membres à soutenir le renforcement du Fonds «la Francophonie avec Elles », au regard des enjeux pour les bénéficiaires directes et des impacts positifs pour les communautés locales ;

- Conscient des opportunités de coopération économiques et culturelles offertes par la langue française, lOIF s’engage à favoriser la mobilité dans le cadre des programmes de la Francophonie et la circulation au sein de notre espace des ressortissants de nos pays, entrepreneurs, artistes, diplômés de l’enseignement supérieur, et appelés, de par leur fonction, à se déplacer régulièrement, dans le respect des législations et des règlementations nationales en matière de visa ;

B- Déclaration de solidarité avec le Liban

- Les chefs d’Etats des pays membres de l’organisation internationale de la francophonie (OIF) ont exprimé leurs préoccupations par l’escalade de la violence au Liban, et déplorent les pertes de vies innocentes au pays du Cèdre ces derniers jours.

- Par conséquent, ils ont exprimé leur solidarité indéfectible avec le Liban dans cette nouvelle épreuve qu’il traverse.

- LOIF appelle à mettre fin aux atteintes à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du Liban et appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable.

C- Résolution sur les crises

En ce qui concerne la résolution sur les crises voici les passages qui concernes les pays africains :

- BURKINA FASO

- En ce qui concerne le Burkina Faso, l’OIF déplore la dégradation de la situation sécuritaire du pays, et condamne les attaques terroristes perpétrées dans le pays et les exactions commises à l’encontre des populations civiles ; elle appelle toutes les parties prenantes au respect des droits humains et du droit international humanitaire ;

- L’OIF constate l’absence de progrès tangibles dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel et démocratique et regrette la prorogation de la durée de la transition pour une période de 5 ans ;

- Par conséquent, elle exhorte les autorités de transition à tout mettre en œuvre pour créer les conditions d’un retour plus rapide à l’ordre constitutionnel et démocratique, et appelle ces autorités à respecter les libertés publiques.

- RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

- En ce qui concerne la RDC, L ’OIF condamne fermement les violations du droit international, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République Démocratique du Congo, les violences commises à l’endroit des populations civiles, des institutions nationales, de la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation RDC (MONUSCO), de la Mission de la Communauté de Développement d’Afrique australe en RDC (SAMIRDC) par les groupes armés, bafouant tous les efforts de paix entrepris dans la sous-région ;

- L’OIF demeure extrêmement préoccupé par la dégradation continue de la situation humanitaire et sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) ;

- Elle condamne tous les massacres des populations et les bombardements des camps de déplacés, commis sur le territoire de la RDC, et appelle toutes les parties prenantes à respecter le droit international humanitaire ; 

- L’OIF condamne tous les groupes armés opérant en RDC et tout soutien extérieur apporté à ces groupes, notamment, tout appui militaire extérieur ; elle condamne également toute intervention militaire étrangère non autorisée et demande le retrait immédiat des forces militaires non autorisées par le gouvernement de la RDC sur son territoire ; non validé par le Rwanda

- L’OIF encourageons les efforts engagés en faveur d’une paix durable dans la sous-région à travers les négociations conduites dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi, médiation choisie par l’Union africaine ;

- L’OIF Réaffirme son attachement au respect de la souveraineté de l’intégrité territoriale, et de l’intangibilité des frontières de la République Démocratique du Congo ;

- Elle  exprime sa solidarité au peuple congolais durement éprouvé et condamne le recours systématique par des réseaux criminels et des groupes armés au viol, comme arme de guerre, dont les femmes et les enfants sont les premières victimes, le recrutement et l’emploi des enfants-soldats, la destruction des aires protégées dans le Bassin du Congo, patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi que l’exploitation et l’exportation illégales des ressources naturelles vers les pays voisins et autres destinations ; réserve du Rwanda

- Soutenons les efforts de l’OIF dans le cadre de son mandat et de sa programmation, s’inscrivant dans l’appui exprimé aux initiatives régionales de médiation en cours pour résoudre la crise à l’Est de la RDC ;

- Répondant à l’appel de la RDC à la solidarité de la Francophonie, l’OIF salue l’annonce, par la Secrétaire générale d’une mission d’information.

  - GABON

- L’OIF déplore la rupture de l’ordre constitutionnel survenue au Gabon le 30 août 2023 ; elle encourage la poursuite du processus de transition engagé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), dans le respect du chronogramme indicatif présenté par les autorités le 4 septembre 2023 ;

- L’OIF encourage les autorités de transition gabonaises à garantir que toutes les personnes arrêtées dans le cadre de ces événements soient jugées de manière impartiale, transparente et conforme aux normes juridiques nationales et internationales ;

- L’OIF prend acte des mesures immédiatement prises par les autorités de transition pour garantir la continuité du service public et le fonctionnement des institutions nationales ;

- L’OIF salue la tenue du dialogue national inclusif en avril 2024 à Libreville et appui les efforts en vue du retour à l’ordre constitutionnel ;

- L’OIF encourage les autorités de Transition à tenir, dans les délais impartis, des élections de sortie de transition conformes aux standards internationaux ;

- L’OIF relève l’attention portée à la participation effective des femmes et des jeunes.

- GUINÉE

- L’OIF se félicite du retour et de la pleine réintégration de la Guinée au sein de l’organisation ;

- L’OIF salue les actions menées par les autorités de transition en République de Guinée, notamment la publication d’un projet de constitution, et leurs engagements dans le but de mener le processus de transition à son terme ;

- L’OIF appelle les autorités guinéennes à garantir la tenue des élections de sortie de transition dans les délais indiqués ;

- L’OIF souligne l’importance de garantir le respect des libertés publiques et des droits de l’Homme ainsi qu’une conduite inclusive et consensuelle du processus électoral ;

- Les participants demandent à l’OIF de suivre avec une attention soutenue le retour à l’ordre constitutionnel et démocratique en République de Guinée.

- MALI

- L’OIF éplore la dégradation de la situation sécuritaire au Mali ; elle condamne les attaques terroristes perpétrées dans le pays et les exactions commises à l’encontre des populations civiles ;

- Elle appelle toutes les parties prenantes au respect des droits humains et du droit international humanitaire ;

- L’OIF regrette le retard enregistré dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel et démocratique et le report des élections générales de sortie de transition ;

- L’OIF exhorte les autorités maliennes à tout mettre en oeuvre pour créer les conditions et d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel et démocratique ;

- L’OIF réitère sa disponibilité au dialogue en vue d’accompagner le Mali pour les prochaines étapes de ce processus.

- NIGER

- L’OIF éplore la dégradation de la situation sécuritaire au Niger ; elle condamne les attaques terroristes perpétrées dans le pays et les exactions commises à l’encontre des populations civiles ; elle appelle toutes les parties prenantes au respect des droits humains et du droit international humanitaire ;

- L’OIF regrette l’absence de chronogramme de sortie de transition après le coup d’État militaire du 26 juillet 2023 ; elle exhorte les autorités de transition à établir un calendrier électoral qui vise à organiser, à brève échéance, des élections libres, fiables et transparentes afin d’assurer le retour à l’ordre constitutionnel et démocratique ; elle réitère sa disponibilité au dialogue en vue d’accompagner le Niger sur cette voie ;

- L’OIF réitère l’appel au respect des droits et libertés fondamentales au Niger.

- TCHAD

- L’OIF prend note de l’adoption d’une nouvelle constitution en décembre 2023 au Tchad, suivie de la tenue de l’élection présidentielle du 6 mai et salue la décision de tenir les élections législatives, provinciales et communales le 29 décembre 2024, comme dernière étape du processus de transition ;

  • L’OIF salue l’action de la Secrétaire générale dans l’accompagnement du processus de transition au Tchad ; et réitère la disponibilité de l’OIF à poursuivre son appui en faveur de la consolidation de la paix et de la démocratie dans ce pays.

 

Références :

- https://www.diplomatie.gouv.fr/ar/politique-etrangere-de-la-france/la-francophonie/la-francophonie-espace-de-cooperation-multilaterale/
- https://www.francophonie.org/
- https://www.facebook.com/OIFrancophonie
- https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/10/04/xixe-sommet-de-la-francophonie-premiere-journee-a-villers-cotterets
- https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/francophonie-et-langue-francaise/enseignement-francais-a-l-etranger/