Les autorités de transition au Tchad ont annoncé le report du dialogue national inclusif qui devait se tenir mardi 10 mai à N'Djamena, la Capitale Tchadienne, entre le conseil militaire de transition, les mouvements armés, les partis politiques et les forces d'opposition.
Ce report est intervenu suite à l'intervention et à la demande du ministère qatari des Affaires étrangères, l'actuel médiateur des pourparlers de Doha la Capitale du Qatar, entre les autorités de transition et les mouvements armés.
Ce report intervient au moment même où le Mouvement Wakit Tama, il s’agit d’un mouvement composé des partis et mouvements civils pacifiques, a également appelé à des marches et des manifestations le 10 mai 2022. Mais selon certaines informations, elles seraient plutôt reportées au 14 mai.
Ce report des pourparlers et des appels à manifester coïncide avec un certain nombre d’évolutions importantes sur la scène politique tchadienne dont les plus importantes sont :
1- L'évolution des positions des mouvements armés au Tchad et leur volonté de chercher l’appui auprès de la Russie, notamment les deux mouvements les plus importants du pays, à savoir le « Front pour l'accord et le changement » (FACT) dirigé par Mohamed Mehdi Ali, responsable de l'assassinat de l'ancien président tchadien Idris Déby, a également demandé aux forces russes (Wagner) de former les militants du Mouvement. Des informations indiquent également que le leader du mouvement « Union des forces de résistance », Timane Erdimi, résidant au Qatar et cousin de l'actuel président Mohamed Idriss Déby, aurait demandé la médiation de l'ancien conseiller du président de la République centre africaine, qui entretient également de bonnes relations avec la Russie en raison des relations solides entre les deux pays(la République centre africaine et la Russie) , et ce, afin d'obtenir le soutien de ce dernier au mouvement et à ses opérations.
2- Les mouvements armés continuent de ne renoncer à aucune de leurs revendications antérieures, notamment :
- La libération de Tom Erdimi, frère du leader de l'Union des Forces de Résistance, qui, selon le mouvement, est détenu en Égypte.
- Amender la Charte de Transition dans le seul but d'empêcher les membres du Conseil Militaire de Transition de se présenter à un poste politique après la période de transition.
- Libération des prisonniers
- Restauration de propriété
3- Annonce de la formation d'un nouveau parti politique sous le nom de « les Patriotes » dirigé par Ibrahim Koursami, gendre (belle-fille) de Dossa Déby, frère aîné du défunt Président Idris Déby.
4- Il existe une tension au sein de la société tchadienne entre les locuteurs de la langue arabe et ceux de la langue française, ainsi que les prises de position des deux parties. Cette crise a désormais fait surface au sein de la société, et des querelles mutuelles sont apparues entre les deux parties sur le droit de chacun à la liberté d'expression.
Ainsi, la question pourrait se transformer en une crise d’identité linguistique nationale susceptible de créer un conflit interne entre les citoyens d’un même pays.
5- Monté de l'hostilité entre les différents mouvements religieux à l'intérieur du Tchad, notamment entre les membres du mouvement soufi et le groupe Ansar al-Sunnah wal-Jama'ah.
En effet, au cours des jours passés, l'affaire a atteint une certaine proportion inquiétante au point que certains membres du mouvement soufi ont attaqué des membres du groupe Ahl Sunnah wal-Jama`ah dans une mosquée, chose qui a causé la mort d'un de ses membres et des blessés.
Des disputes verbales et des querelles ont commencé entre les deux parties, et l'affaire pourrait prendre encore plus d'ampleur dans la période à venir, car ils (les différents mouvements religieux) appellent à une confrontation intellectuelle entre eux dans une société tribale et ethnique tendue.
6- Présence d’une main cachée qui tente d’accroître l’hostilité de la société tchadienne à l’égard de la France, des forces et de la présence française au Tchad, et les appels se font désormais exigeants : « Il faut éliminer les colonialistes français, leur tenir tête et permettre au Tchad d’obtenir son indépendance. »
Au regard des développements antérieurs, une vision future du déroulement des événements au cours de la période à venir au Tchad peut être présentée, comme suit :
Le Tchad sera témoin de l’intensification de toutes les questions internes urgentes, y compris la présence française au pays, ainsi que le conflit entre le pouvoir en place et les mouvements armés, et ce, pour plusieurs raisons :
1- Les parties participant aux négociations de Doha ne pourront pas facilement parvenir à un accord sur les points controversés, dont le plus important est lié à la modification de la charte de transition, car réaliser cette exigence selon la vision des mouvements armés signifie l'élimination complète de la présence de l'un des partis dans l’arène politique, qui est l'actuel chef de l’État, le général Mohamed Déby, président de la transition au Tchad. Il s’agit-là du premier point controversé.
Le deuxième point controversé est l'accord sur le dossier des dispositions sécuritaires. Selon la situation économique et financière actuelle, le Tchad ne peut pas être en mesure d'absorber tous les membres des mouvements armés au sein de son système de sécurité, qu'il s'agisse de la police ou de l'armée.
Le troisième point controversé est la question de la répartition du pouvoir.
Concernant d'autres revendications qui concernent les propriétés et la libération des prisonniers, ce sont des points sur lesquels on pourra se mettre d'accord ultérieurement.
2- Il semble que la Russie se focalise sur la démolition d'un des bastions français sur le continent africain, à savoir le Tchad, comme en témoignent ses tentatives de consolider ses relations avec les dirigeants des mouvements armés à l'intérieur du Tchad en passant par la Libye, le pays voisin du Tchad, car certains rapports indiquent que les forces russes sont stationnées dans le sud de la Libye, et ce, afin d’être le point de contact avec les mouvements là-bas et entrée au Tchad.
Il est à noter que la majorité des coups d'État militaires qui ont eu lieu au Tchad, surtout ceux qui ont réussi au cours des dernières décennies, ont été orchestrés depuis la Libye. Les signes d'une intervention russe ont commencé à apparaître lors de la manifestation qui a eu lieu récemment au Tchad afin dénoncer la présence française dans le pays.
Outre l'intérêt des agences de presse russes et leur suivi continu des événements au Tchad, notamment sur le site russe Spoutnik, et la publication d'informations liées à la France et à ses mouvements au Tchad et dans la région du Sahel, dont certaines sont réels et d'autres dont il faudra vérifier l'authenticité, avec la publication sur les réseaux sociaux d'informations liées aux mouvements des forces françaises, il s’agit la même scénario s'est produit au Mali, et la France l'a ensuite démenti.
3- Il ressort clairement de ce qui précède que la Russie a transféré la guerre russo-ukrainienne et son conflit avec l'Occident en Afrique, plus précisément dans la région du Sahel. En plus d'être une forte zone d'influence pour la France, membre fort de l’Union européenne et membre de l'OTAN. La région africaine du Sahel dispose de pétrole, ainsi que le gazoduc Nigeria-Maroc ou Algérie-Maroc, sur lequel l'Europe compte pour compenser la dispense du pétrole russe, passera par cette région.
Il est surprenant que la Russie propose de financer ce gazoduc, comme si elle voulait envoyer le message selon lequel elle contrôle les ressources en combustibles fossiles aussi bien également en Europe qu’en Afrique, et elle a été encouragée à le faire par la situation géopolitique et sécuritaire fragile des pays de la région du Sahel, ce qui en fait un environnement facile à contrôler.
Mais la situation est différente au Tchad qu’au Mali, car et pour cause : démolir l’influence française au Tchad nécessite plus de temps et de concentration dans la période à venir et, malheureusement, il pourrait y avoir plus de victimes en semant la discorde au sein de la société et en finançant les mouvements avec des armes, de l’argent et de la formation.
4- Les autorités de transition au Tchad pourraient être contraint de trouver des équilibres dans ses relations extérieures dans la période à venir, et pourrait être contraint à recourir au dialogue avec la Russie et de ne pas s'appuyer entièrement sur la France dans la gestion de ses affaires, notamment après le rapprochement du Cameroun et du Niger (pays voisins du Tchad) avec la Russie.
Récemment les deux pays (le Cameroun et le Niger) ont signé de nombreux accords de coopération avec la partie russe, notamment dans le domaine sécuritaire, et ce, précisément le 27 avril 2022. Outre la présence russe en Centre Afrique et en Libye également.
5- Une plus grande propagation des mouvements armés en raison de l'insistance du régime au Tchad à négocier uniquement avec les mouvements armés, ce qui donne l'impression aux puissances extérieures que le régime militaire au pouvoir au Tchad ne respecte que ceux qui portent des armes, transmettant ainsi un message aux puissances extérieures qu’en soutenant les mouvements rebelles armés, leurs intérêts peuvent être protégés.
En outre, certains rapports indiquent que la lutte autour du pouvoir et l'influence entre les membres de la famille régnante après la mort de l’ancien président Idris Deby va encore détériorer davantage la situation dans la période à venir.
En guise de conclusion, il convient de noter que le Tchad est considéré comme un pilier fondamental des intérêts français dans la région ouest-africaine, non seulement pour la présence militaire, mais aussi pour le pétrole tchadien et les entreprises françaises liées à des intérêts forts au Tchad.
Depuis des décennies, la survie du régime au pouvoir au Tchad est liée au soutien de la France et de sa loyauté envers elle. Dans toutes les tentatives de coups d'État précédentes, c'est la France qui est intervenue pour dissuader les coups d'État et les contrecarrer.
Il est donc nécessaire de prendre en compte tous les événements actuels dans la région du Sahel et du Sahara et de se concentrer sur un suivi attentif de la situation au Tchad et en Libye dans la période à venir, car on s'attend à ce que cette dernière soit exploitée pour attaquer le Tchad depuis le sud de la Libye.